Conception

Jardin thérapeutique et Alzheimer

Lorsque la plupart des personnes pensent à jardin thérapeutique ils y associent très souvent les personnes âgées. Il en va souvent de même, lorsque l’on parle de la maladie d’Alzheimer. Dans les deux cas, nous savons que même si ces deux associations d’idées peuvent être une réalité, il n’en reste pas moins qu’on ne peut en faire une exclusivité, loin de là. 

La dureté de la réalité et les chiffres sont cependant bien là pour nous rappeler combien il est cependant nécessaire de poursuivre les efforts vis à vis des conditions de prise en soins des personnes qui souffrent de troubles cognitifs. Ne disposant pas encore de traitement permettant de guérir de cette maladie, qu’est Alzheimer, il se trouve que la qualité de l’accompagnement est encore la manière façon d’en ralentir l’évolution et les troubles qui s’y associent.  La conception et l’animation de jardin thérapeutiques auprès de ces personnes et de leurs aidants permettent d’augmenter la qualité de prise en soins non médicamenteuse et ainsi d’augmenter la qualité de vie de toutes personnes touchées de près ou de loin  par cette pathologie. 

Grâce aux données chiffrées, nous comprenons rapidement pourquoi, il est important d’intégrer les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou toute autre pathologie neurodégénérative de type Alzheimer au domaine des jardins thérapeutiques, qu’ils soient dans des institutions ou extra muros. 

Nous verrons ensemble les points d’attention à avoir en tête, spécifiquement lorsque l’on imagine, conçoit et anime, ce type de jardin pour ce public. Dans ce premier article nous nous attacherons davantage à l’impact de la conception sur le sentiment de sécurité nécessaire en particulier lorsque le jardin est destiné à ce type de population. Nous verrons pourquoi ce sentiment a son importance également auprès des professionnels et des aidants. 

Alzheimer en chiffre

Alzheimer c’est 225 000 nouveaux cas recensés par année en France et une estimation d’Alzheimer Europe de 2,2 millions de personnes touchées d’ici 2050. 

Même si l’essentiel du nombre de personnes atteintes aujourd’hui par cette maladie reste essentiellement de personnes âgées de plus de 80 ans, il n’en reste pas moins qu’on estime aujourd’hui à près de 33 000 le nombre d’individus de moins de 60 ans atteints par cette dernière. 

Plus de la moitié des personnes atteintes sont généralement en EHPAD et près de 70% sont prise en soins en unité spécialisée de type USLD. 

Ce qui signifie également qu’un bon nombre de patients sont encore chez eux soutenus par leurs proches et les services de soins à domicile. 

Ce qui m’amène à plusieurs réflexions : 

  • que si l’on veut aider un grand nombre de personnes touchées de près ou de loin par la maladie d’Alzheimer, les EHPAD et USLD restent bien des lieux a privilégier. 
  • que le jardin devrait de plus en plus être pensé au domicile, en extra muros, comme outil d’aide aux aidants et aux personnes qui vivent encore chez eux malgré la maladie. 
  • qu’une vulgarisation et qu’un partage des connaissances au plus grand nombre (professionnels et aidants familiaux) sur ce type d’accompagnement par et avec le jardin devrait avoir lieu, afin de faciliter les mises en place d’espaces extérieurs adaptés de manière plus générale.
  • que cette maladie neuro dégénérative et celles dites associées touchent également des personnes plus jeunes, qui implique d’autant plus de vigilance par rapport à la « culture » des bénéficiaires du jardin. (plus d’explications dans le prochain article sur  le rôle de l’animation sur le sentiment de sécurité). 

Comment générer de l'apaisement par le jardin pour des personnes souffrant d'Alzheimer ?

Que recherchera t’on au final au travers l’implantation et l’utilisation du jardin, lorsque l’on accompagne des personnes atteintes de maladies neuro dégénératives comme Alzheimer ? 

Je dirais en premier lieu, un bien être, un apaisement à la fois psychologique et physique. Alléger les tentions, les angoisses qui accompagne à juste titre ces maladies et leurs effets sur le quotidien. 

Si la maladie impacte en toute logique avant tout le patient, il n’en reste pas moins que le jardin peut également être ressourçant, déstressant pour les aidants, professionnels ou non. 

Comment dans ce cas générer de l’apaisement pour tous au travers le jardin et son utilisation ? 

Je dirais qu’il faut avant tout s’attacher à plusieurs points :

  • la notion, le sentiment de sécurité
  • la conception, perception du soin et du bien être
  • la prise de conscience de l’importance du plaisir dans le quotidien et les actes de chacun.

Alzheimer et sécurité

Le jardin ne devrait pas être source d’angoisses, d’insécurité pour qui compte l’utilise, le fréquente. Cela vaut pour l’ensemble des jardins thérapeutiques mais cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’un jardin de soins accueillant des personnes avec des troubles liés à la maladie d’Alzheimer. 

La maladie elle-même est très déstabilisante et peut être à différents stades générer ces sentiments d’angoisses, de stress ou de peur. 

La conception peut soit accentuer, soit amoindrir ces sentiments anxiogènes et peu confortables pour tous. 

Au delà des patients eux mêmes nous verrons que ce sentiment devra aussi être ressenti par l’ensemble des utilisateurs du jardin, au risque sinon, que le jardin ne soit pas utilisé de manière optimale. 

Pourquoi rechercher ce sentiment de sécurité pour les patients ?

Moins une personne à la capacité à modifier seule son environnement, plus celle ci est influencée par celui ci. Cela implique donc, que plus la personne est à un stade avancé de la maladie, plus la conception du jardin a un retentissement fort sur celle ci. 

Il est certain que si une personne ne se sent pas en sécurité dans un espace, elle aura tendance a fuir le lieu, à s’opposer lorsqu’on lui proposera de s’y rendre, à s’agiter si on venait à insister. Qui d’ailleurs ne réagirait pas ainsi ! Instinctivement… personne. 

Pour des personnes qui souffrent de troubles neurodégénératifs cela est exacerbé et totalement opposé à la ligne directrice des prise en soins habituelle auprès de ces personnes, privilégiant tout l’inverse.

Les protocoles de soins actuels recherchent davantage à réduire les troubles souvent liés à la pathologie : agitation, stress, perturbation du comportement. La sensation de ne pas être en sécurité peut être source de tous ces troubles. 

 

Ce qui est à priviligier dans la conception d'un jardin thérapeutique pour des patients souffrant d'Alzheimer

  • un espace jardin pas trop vaste, pour lequel un simple balayage du regard suffit à en percevoir les limites
  • un espace structuré. Tout doit paraître le plus clair, organisé possible. 
  • un espace intelligible : on perçoit rapidement les différents sous espaces, les chemins, et autres points « stratégiques » (point d’eau, serre, point à l’ombre, assises)
  • le jardin doit avoir quelques points fixes qui ne varie pas selon les saisons. (repères spatiaux). Cela peut être un des éléments d’aménagement mais aussi un végétal remarquable aux feuillage non caduque par exemple).
  • l’accès doit être facile, les zones de marche ou d’atelier ne devrait pas représenter un risque de chute manifeste. Attention donc aux « obstacles » parfois minimes pour une personne sans problème de santé mais bien réels lorsque vos perceptions sont perturbées. Les bordures sont de grands classiques en la matière !
  • les chemins ne doivent pas finir en impasse mais plutôt former un circuit fermé, une boucle ou un huit.
  • Des zones de pauses, permettant de reprendre son souffle, de reposer ses jambes, de récupérer un peu avant de reprendre son chemin doivent être positionnés à des endroits stratégiques vis à vis de la connaissance que les professionnels ont sur les capacités physiques et les habitudes des patients. Ces points « relais » permettent petit à petit de mettre les patients en confiance vis à vis du lieu et incite de ce fait à plus de spontanéité.
  • toute vue sur l’extérieur de l’espace jardin peut amener à des désirs de partir, de rentrer chez soi, d’aller chercher son enfant à l’école (alors que l’enfant en question a en réalité une soixantaine d’année), de se rendre chez son patron (alors que la personne est en retraite depuis plus de 10 ans), de retrouver sa mère (qui est morte depuis 20 ans dans les faits)… C’est pourquoi il est intéressant de penser le jardin comme un lieu clos (origine d’ailleurs du mot jardin) à l’extérieur. Un lieu clos agréable qui donne plus le sentiment d’un cocon que d’une cour de prison (à majorité végétal donc). Une hauteur de 2 m à 2m50 de palissade en bois ou végétalisée, permet cela.
  • créer une vue attractive depuis l’intérieur pour les patients, qui les pousseraient spontanément à se rendre au jardin et à saisir plus facilement qu’il s’agit bien d’un jardin (la plus simple des attraction restant les végétaux eux-mêmes).

Pourquoi rechercher ce sentiment de sécurité pour les professionnels ?

En quoi la conception peut elle impacter les soignants me direz vous ? 

En réalité ce n’est pas tant les soignants que la conception touche, mais l’utilisation ou non du dit espace

Si la conception et l’aménagement de l’espace du jardin thérapeutique n’inspire pas un sentiment de sécurité également pour les soignants, il y a de fortes probabilités pour que le lieu ne soit tout bonnement pas accessible à quiconque qui ne possède pas la clé du jardin.

Tout accompagnateurs quelqu’il soit a besoin de savoir la personne dont il a la charge de soins, en sécurité à chaque instant. Il en va de même pour les équipes de direction. 

Un bon nombre de jardins thérapeutiques à destination de personnes souffrant d’Alzheimer ou troubles cognitifs restent seulement accessible lorsqu’un accompagnement, une « surveillance » et possible par un membre du personnel. Pourquoi ?

  • parce que les soignants craignent qu’il arrive quelque chose à la personne (sentiment d’insécurité donc vis à vis de l’aménagement de l’espace)
  • parce que la direction craint qu’il arrive quoique ce soit si la personne est non accompagnée (sentiment d’insécurité vis à vis des plaintes des proches aidants, des procès en cas de problème au jardin, souci d’offrir le meilleur à leur « clients »…) mais en même temps n’a pas de salarié attitré officiellement à l’animation et gestion du dit espace de soins. (là c’est un autre débat…)
  • parce que les soignants ont peur qu’un collègue, une famille, un supérieur hiérarchique, leurs reproche d’avoir pris cette initiative de laisser seul un patient avec ce risque qu’il puisse lui arriver quoique ce soit. (peur du jugement sur la qualité de son travail, ses compétences)

Ce qui est à privilégier dans la conception d'un jardin thérapeutique pour des patients souffrant d'Alzheimer

  • Avec un espace plus petit, les soignants peuvent rapidement de la même manière qu’un patient, faire le tour de l’espace en un regard
  • Les zones a privilégiées sont mises en avant et bien visibles. Les zones que l’on ne souhaitent pas voir empruntées pour une quelconque raison (risque de chute, risque de fugue, risque d’enjambement, risque d’accentuation de manque de repères…) sont à l’inverse à masquer de manière subtile. 
  • Le jardin devrait être visible depuis l’intérieur (baie vitrée, patio)
  • Tous les points, zones ou éléments considérés comme dangereux ou à risque devraient être passés en revue lors de la conception, la mise en place puis l’utilisation de l’espace avec l’ensemble du personnel d’accompagnement afin de trouver des solutions garantissants selon eux un sentiment de sécurité pour tous et plus particulièrement pour les patients. 

Un travail collégial autour de la conception d'un jardin thérapeutique pour personnes souffrant d'Alzheimer et une attention particulière sur la vue, génèrent le sentiment de sécurité nécessaire à tous.

Pourquoi rechercher ce sentiment de sécurité pour les aidants ?

Chaque aidant veut le meilleur pour son proche malade. Il a besoin de savoir qu’il peut confié son proche à des personnes compétentes et attentives à son proche, à la … sécurité de celui-ci. 

C’est souvent douloureux de devoir laisser un proche sous la responsabilité d’une tiers personne. Parfois il s’agit bel et bien d’une décision mûrement réfléchie en amont, parfois cela c’est fait en urgence, parfois par dépit. La situation au domicile devenant trop compliquée, des aidants à bout de souffle se résignent à confier leur proche à des professionnels extérieurs. 

Quelque soit le contexte conduisant les aidants à solliciter l’aide de professionnel, chacun a besoin de savoir son proche en sécurité pour lui même ressentir ce sentiment. 

Pour l’institution accueillante, pour les professionnels, il s’agira alors de faire un travail pour gagner la confiance des aidants

La confiance va alors se mettre en place dans le temps par : 

  • une écoute active des besoins et attentes des aidants vis à vis de la prise en soins de leur proche
  • une communication intelligente, rassurante et régulière
  • des actes démonstratifs

Je dirai que le sentiment de sécurité des aidants se travaillera davantage lors de la phase d’animation du jardin, que dans celle de la conception. 

Les aidants peuvent être sollicités lors de l’élaboration du projet, de sa réalisation puis lors de son animation, cependant l’essentiel selon moi de la mise en confiance passe par une constatation de faits, par un échange en direct entre les aidants, les professionnels qui utilisent régulièrement le jardin comme outil d’accompagnement à la thérapie, et les patients. 

Voir les professionnels en action auprès de leurs proches, devrait être le meilleur moyen pour rassurer les aidants.

Ce qui est à privilégier dans la conception d'un jardin thérapeutique pour des patients souffrant d'Alzheimer

La vue toujours la vue. Constater par ses propres yeux que le lieu est sécure pour son proche… Gagner la confiance des aidants et donc satisfaire leur besoin de sécurité pour leur proche, passe par la constatation pure et simple de l’espace. 

Si visuellement déjà l’espace leur semble insécure, les aidants auront toutes les peines du monde à laisser les professionnels utiliser le jardin comme outil d’aide à la thérapie. 

Par conséquent afin que les aidants s’imprègnent du lieu et puissent eux mêmes juger de la dangerosité de celui-ci pour leur proche, il faut :

  • penser l’espace également pour un accueil de visiteur. Réserver des zones qui pourraient servir à un échange entre aidant et proche directement au jardin. Echange ou jardinage !

Animer un jardin adapté aux personnes qui souffrent d 'Alzheimer

Dans un prochain article nous aborderons comment au travers l’utilisation du jardin thérapeutique, son animation, il est possible d’instaurer ce sentiment de sécurité auprès des patients, des professionnels et des aidants. 

Comme vous le savez déjà conception et animation sont très fortement liées lorsqu’il s’agit de jardin thérapeutique. Ce thème du sentiment de sécurité n’échappe pas à la règle. 

Je vous invite donc à indiquer votre adresse mail afin de vous abonner au site, si vous souhaitez recevoir un mail dès la parution du prochain article. 😉

Tous ces éléments abordés au cours de cet article peuvent totalement s’intégrer à d’autres publics. Il s’agit ici, de mettre clairement en avant ce qui est particulièrement intéressant de travailler lorsqu’il s’agit de créer un jardin auprès de personnes atteintes d’ Alzheimer ou maladies apparentées. 

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